Un premier billet pour le lancement de la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires.
Il serait simpliste de croire que les troubles alimentaires n’affectent que la personne directement touchée. Et il serait faux de penser que les troubles alimentaires n’affectent que la composante alimentaire. Ce qui est vrai, par contre, c’est que tous les troubles alimentaires ont en commun une relation malsaine avec la nourriture qui affecte les dimensions physique, certes, mais aussi psychologique et sociale de la personne.
Je compare souvent les troubles alimentaires à des maladies à métastases. Elles débutent par faire un nœud, très présent (la dimension alimentaire), qui grossit de plus en plus. Ensuite, ce nœud développe des métastases qui vont s’attaquer aux autres parcelles de la vie de la personne. Il n’y a plus de place pour rien, tellement les métastases deviennent présentes et envahissantes.
Les impacts psychologiques des troubles alimentaires
Dimension psychologique (émotions, cognitions, comportements)
- Humeur dépressive et anxieuse
- Changements d’humeur fréquents
- Augmentation de l’insatisfaction corporelle
- Obsession liée à l’insatisfaction corporelle et à la nourriture
- Rigidité de la pensée
- Diminution de l’estime de soi
- Gestion des émotions très difficile
- Grande difficulté face à la résolution de problèmes
- Incapacité à se trouver soi-même, à se comprendre, à se connaître
- Perte d’intérêt pour les activités
- Faible performance au travail et à l’école
- Gestion de conflits difficile
Dimension sociale (réseaux familial, social, professionnel)
- Augmentation des conflits conjugaux, familiaux
- Éloignement des personnes proches
- Absentéisme au travail, à l’école
- Dissolution du réseau social
- Isolement social
En résumé, le trouble alimentaire commence par toucher la personne affectée. La dimension alimentaire se voit alors grandement perturbée. Ensuite (voire presque en même temps) se développent de grandes difficultés affectives, cognitives et comportementales. Mais ça ne s’arrête pas là ; le trouble alimentaire n’a pas de fin. Il va poursuivre son évolution jusqu’aux personnes proches, comme le ou la conjoint(e) et les enfants, ensuite les amis, la famille éloignée, les collègues de travail, d’école, etc.
Non seulement les dommages collatéraux deviennent très importants, mais ils deviennent aussi les pièces d’un cercle vicieux ; les conséquences se transforment en facteurs de maintien du trouble alimentaire. Exemple : le trouble alimentaire a fait augmenter les conflits avec ma famille. Maintenant, pour les éviter, j’utilise mon contrôle alimentaire. Ou encore : la sous-alimentation amène une grande rigidité de la pensée, qui elle-même augmente et maintient mon obsession face à l’alimentation et l’image corporelle.
Ces nombreuses conséquences n’ont pas à devenir définitives. Avec de l’aide professionnelle, une personne n’a pas à faire une croix sur sa vie. Elle peut rebâtir son réseau, apprendre à mieux gérer les conflits, à identifier et exprimer ses besoins et ses émotions, mettre en place des projets, et réaliser ses rêves.
Pourquoi une Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires ?
Parce que l’insatisfaction corporelle débute dès l’âge de 4 ans;
Parce que l’insatisfaction corporelle est devenue une norme de société;
Parce que l’insatisfaction corporelle est LE facteur prédicateur de troubles alimentaires;
Parce que l’insatisfaction corporelle enclenche des comportements de contrôle alimentaires;
Parce que la population peut encourager, malgré elle, des pratiques alimentaires malsaines;
Parce que les troubles alimentaires touchent les personnes de tous âges, hommes et femmes;
Parce que les troubles alimentaires ont de nombreuses conséquences physiques, psychologiques et sociales;
Parce que les troubles alimentaires peuvent être mortels;
Parce qu’il faut cesser la roue.
Parce qu’une personne touchée directement représente en fait une dizaine de personnes affectées;
Parce que les conséquences des troubles alimentaires font des dommages collatéraux de façon exponentielle;
Parce qu’en ciblant individuellement et uniquement les personnes malades, on divise nos forces;
Mais en unissant nos forces, on peut déjouer la maladie. Du 31 janvier au 6 février 2016 se déroule la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires. Cette semaine concerne beaucoup plus que les personnes directement touchées. En fait, cette semaine est sur pied pour sensibiliser la population, face aux troubles, mais aussi afin de mettre l’accent sur l’importance de la population en tant qu’agents de changement.
Puisse cette semaine sensibiliser les parents à leur importance dans le développement d’une image corporelle saine chez leurs enfants ;
Puisse cette semaine sensibiliser la population afin de briser l’isolement que vit la personne atteinte ;
Puisse cette semaine démontrer aux personnes directement touchées qu’elles ne sont pas seules ;
Puisse cette semaine aider à dénouer le nœud du trouble alimentaire et en supprimer les métastases.
À toutes les personnes directement touchées je crie haut et fort : Ne fais pas une croix sur ta vie, parce qu’en unissant nos forces, nous pouvons déjouer la maladie!
Marie-Michèle Ricard, Psychoéducatrice et psychothérapeute, co-propriétaire Imavi