Il n’y a rien de plus sournois et vicieux que la culture des diètes. Elle nous amène à croire que nous sommes libres, en contrôle et maîtres de nos décisions, alors qu’elle ne fait que nous lier les mains. Des barreaux de métal qui se dressent devant nous, invisibles. Tous et chacun peuvent en être victimes, peu importe qui vous êtes. Que vous vivez un trouble alimentaire ou non, il est important de mieux comprendre ce qu’est la culture des diètes afin de mieux s’armer contre elle.
La culture des diètes, en bref
Il s’agit en fait d’un système de croyances dominant dans notre société, qui valorise la minceur en l’associant à la santé et la vertu morale et qui promeut la perte de poids ainsi que la dichotomisation des aliments. Elle a notamment comme conséquence l’oppression des personnes qui ne cadrent pas avec l’image qu’on se fait d’une personne en santé. Afin d’illustrer plus concrètement comment elle s’insère dans nos vies, voici son pattern classique.
Manipulatrice et destructrice
Elle nous bourre le crâne de l’idée qu’on n’est pas assez, qu’on devrait perdre du poids, qu’on ne mange pas assez bien et qu’on pourrait faire mieux. Que c’est simple, à portée de main et que si on était un peu moins paresseux, on pourrait changer notre apparence et notre alimentation. En étant plus mince, on serait nécessairement plus heureux et tous nos problèmes seraient réglés.
On en vient à se dire qu’on va « faire un peu attention » et « se prendre en main ».
L’idée de « faire attention » implique nécessairement une part de restriction. On se met à éviter les aliments considérés comme « mauvais », on choisit des aliments considérés comme « bons ». On ajoute une à une des règles alimentaires, de plus en plus rigides….
Après une douce lune de miel, s’en suit habituellement le retour du balancier : stress de ne pas réussir à respecter nos restrictions, parfois même une anxiété à manger certains aliments et inévitablement, le non-respect de ces règles irréalistes. On ne s’en sort pas sans culpabilité, baisse de l’estime de soi et sentiment d’avoir tout gâcher. S’en suivra parfois un resserrement des règles ou une période d’excès, puisque nous sommes tout simplement « incapables de nous contrôler ».
Mentir pour mieux s’enrichir
Le grand mensonge, c’est de mettre la faute sur les aliments. Pire mensonge encore, de mettre la faute sur soi-même! Le véritable coupable, c’est l’industrie de la diète qui nous martèle de fausses croyances et nous pousse à la restriction. La science démontre clairement que la restriction alimentaire n’est pas efficace, et au contraire, nuit à la santé physique et à la relation à la nourriture et au corps.
Connaissez-vous un meilleur moyen de s’enrichir que de vendre des produits inefficaces, en convaincant le consommateur que c’est de sa propre faute si ça ne fonctionne pas?
La perte de poids, la solution à tous ses problèmes?
La culture des diètes s’acharnera à nous faire croire qu’être mince est mieux. Mieux moralement et mieux pour la santé, alors que c’est simplement faux. On nous pousse donc dans une quête perpétuelle de la minceur, comme si le seul moyen de s’épanouir passait par la perte de poids. Elle laisse ce sentiment de n’être pas assez si notre corps ne correspond pas à l’idéal de la société. Elle empêchera certaines personnes de s’aimer elles-mêmes, de réaliser leurs rêves ou simplement de se permettre de vivre la vie à laquelle elles aspirent.
Fausses croyances encore et encore répétées
Encore une fois, il faut entendre que la science sur le poids a évolué. On sort encore des vieilles croyances populaires, alors que les données les plus récentes ne préconisent plus cette perte de poids. Les fluctuations de poids importantes ont des impacts potentiels négatifs sur la santé physique et psychologique. Ajoutons à cela qu’une personne de poids plus élevé peut être en très bonne santé. Et si une personne a des facteurs de risque selon ses tests médicaux, il existe des façons plus éthiques d’améliorer la santé sans égard au poids.
Chacun a un poids qui lui est prédestiné, son poids naturel ou d’équilibre. Pas un poids que l’on choisit, mais un poids que nos gènes ont déterminé pour nous, influencé par de multiples facteurs, dont très peu sont contrôlables. La perte de poids revient inévitablement à une reprise du poids perdu, dans presque tous les cas.
Faire tomber les barreaux
Quand l’industrie de la diète parle si fort, quand des personnes hyper influentes propagent des restrictions comme des solutions miracles, quand on nous fait miroiter que le bonheur n’est qu’à quelques kilos en moins, ça devient difficile de s’en distancer.
La première chose à se rappeler est que vous n’avez pas à « faire attention » ou « vous prendre en main ». Vous n’êtes pas « paresseux » ou « pas capables de vous contrôler ».
Vous êtes assez comme vous êtes ici et maintenant et vous n’avez pas à éviter des aliments, des nutriments ou des moments quand manger. Plus on se restreint, plus cela risque de se répercuter en excès. Si vous avez tendance à vivre des compulsions alimentaires ou à être anxieux de manger, l’accompagnement par un professionnel de la santé spécialisé en troubles alimentaires pourrait vous aider.
Ajoutons que vous avez le droit d’être en colère contre la culture des diètes. D’être triste de ses conséquences. De vous affirmer pour la démentir. De vous entourer de personnes et ressources qui ont des visions anti-diète. De manger pour répondre à vos besoins biopsychosociaux. Mais aussi d’être ambivalent dans tout ça.
Je vous suggère de mettre votre énergie pour aligner votre vie avec vos valeurs, et de vous rappeler que les pensées liées à la perte de poids ne sont pas nécessairement véridiques et ne sont pas obligées d’être écoutées.
Mélanie Pronovost, nutritionniste à la Maison L’Éclaircie
Sources :
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