Moi, mes rêves, mes projets

Il est possible de se rétablir d’un Trouble Alimentaire (TA), j’en suis régulièrement témoin dans le cadre de ma pratique. Le rétablissement est un processus, une route sur laquelle il y aura des moments forts, des grandes victoires, mais aussi des obstacles et des défis.
Je ne vous apprends rien en vous disant que, malheureusement, il n’existe pas de recette magique pour guérir d’un TA. L’essentiel est d’être encadré par un suivi thérapeutique et, suite à cela, les morceaux du casse-tête qui mèneront à la guérison varieront inévitablement d’une personne à l’autre. J’avais envie de vous parler d’un morceau de ce même casse-tête qui, à mes yeux, consiste en une puissante force sur le chemin qu’est la guérison d’un TA : renouer avec soi, ses rêves et ses projets.

Je ne suis pas un TA

Souffrir d’un TA, c’est passer des heures et des heures à obséder, compter, comparer, culpabiliser et j’en passe ! Un TA, c’est très prenant, mais surtout envahissant; un peu comme une tache d’encre qui fuit sur tout ce qui l’entoure. Et puis c’est tellement fatiguant de vivre de l’anxiété, de l’inconfort et du découragement que l’on finit par laisser aller des aspects de notre vie : les sorties juste pour le fun, les activités sportives, les soupers en famille, le chum, la blonde, les amis et bien d’autres choses.
On perd aussi un peu le sens de ce qui nous fait du bien. De ce qui nous fait rire. De la connexion aux autres. De qui l’on est. Est-on devenu un TA sur deux pattes? Existe-t-il encore un « moi » derrière cette bête qui nous habite et qui nous prend tout ce que l’on a? La réponse est OUI! Mais il va falloir s’extirper un peu du TA pour tenter de prendre du recul. Accepter que notre réalité soit peut-être, pour l’instant, d’être aux prises avec un TA. Mais que derrière la maladie, il y a encore et toujours une personne, et que cette personne cherche à reprendre possession d’elle-même et de sa vie.

Qui étais-je avant mon TA?

Une façon de tenter de prendre un certain recul est de se remémorer qui l’on était avant le TA. Parfois, ce retour en arrière peut être douloureux et porteur d’émotions fortes. Pour certains, ce peut être aussi comme repenser à une ancienne vie qui n’a pas totalement été la nôtre. En même temps, c’est ce retour en arrière qui nous permettra de repenser à la dernière fois où l’on s’est senti bien, ce moment où l’on avait ri à en être plié en deux libre de soucis, ce voyage où l’on s’était réellement senti heureux et vivant.
Et à plus petite échelle, quelles étaient les activités que l’on aimait et qui nous permettaient d’afficher notre personnalité et nos couleurs? Est-ce qu’on aimait dessiner? Jouer du piano? Faire de la photo? L’idée est de créer des moments où l’on renouera avec certaines de ces choses qui ne sont pas liées au TA mais simplement à SOI.
Je fais habituellement face à une réticence considérable lorsque je propose de telles activités « thérapeutiques » à mes patients, mais faites-moi confiance, le résultat est à tout coup surprenant et inspirant.

Ma vie après le TA

Il y a la personne que l’on était avant le TA, mais il y a aussi – et surtout – celle que l’on souhaite et rêve d’être lorsque l’on sera libéré de la maladie. J’aime beaucoup l’exercice d’écriture qui nous permet de se projeter dans le futur en rédigeant deux textes distincts; un premier « quelle serait ma vie dans cinq ans sans TA » et un deuxième « quelle serait ma vie dans cinq ans si j’ai toujours mon TA ». L’idée derrière cet exercice est de prendre conscience de l’obstacle que consiste le TA face à des rêves ou des projets que l’on souhaiterait réaliser. C’est aussi l’occasion de forcer le TA à prendre moins de place en s’imaginant la liberté qui accompagnerait la guérison.
Et pourquoi ne pas attendre que le TA soit complètement disparu pour investir dans nos rêves et nos projets? Leurs accorder davantage d’importance dès maintenant aura l’effet d’affaiblir l’emprise du TA sur nous en permettant de nous accomplir dans de nouvelles sphères.

Se rétablir d’un TA est un processus complexe parsemé de hauts et de bas. L’idée est de cumuler le plus de morceaux possibles du casse-tête que représentera la guérison. Et tranquillement, on voit apparaître l’image…l’image du retour à soi-même et de la liberté. Renouer avec soi-même ainsi qu’avec ses rêves devient indéniablement une grande source de motivation pour guérir du TA. Et guérir devient à son tour la clé pour la réalisation de nos rêves.

Dre Stéphanie Léonard, psychologue