Un chaton et un jardin: une histoire de compassion

« Le trouble des conduites alimentaires (TCA), c’est ma faute. C’est moi qui l’ai choisi. Je suis le seul, ou la seule à blâmer ».

Ces mots, je les entends encore régulièrement.
Chaque fois, le cœur me serre.
Il n’y a rien de plus faux.

Personne ne mérite de souffrir.
Personne ne choisit de souffrir.

Fermez-vous les yeux. Imaginez. Vous prenez une marche, tranquille. Soudain, vous entendez un bruit, un genre de plainte. Plus vous avancez, plus le bruit prend la forme d’un miaulement. Ce son vous interpelle et vous comprenez que vous cherchez un chaton. À un moment, vous l’apercevez dans un coin. Seul. Sale. Jeune. Petit. Si petit… Vous regardez autour, personne. Il tremble et semble avoir du mal à tenir sur ses pattes. Il est démuni et vous regarde de ses petits yeux.

Que ressentez-vous à cet instant précis ? La grande majorité d’entre vous ressentira ce qu’on appelle la compassion. Qu’est-ce que la compassion ? C’est une attitude bienveillante servant à connecter avec l’autre à travers sa souffrance en ayant comme objectif que ce dernier s’en libère. En d’autres mots : « je comprends que tu souffres et j’en suis désolé. J’aimerais que tu sois libéré de cette souffrance ».

L’auto-compassion

Vous l’avez peut-être compris, la compassion s’applique autant à autrui qu’à soi-même, c’est ce qu’on appelle l’auto-compassion. Est-ce inné ? Est-ce qu’on la ressent automatiquement ? Oui et non. En fait, on pourrait comprendre la compassion comme étant un dérivé de l’empathie qui elle, se développe dans l’enfance. Nous détenons la capacité de ressentir la compassion, mais nous nous devons de la cultiver pour la faire fleurir.

Afin de nous aider à développer et à cultiver cette (auto)compassion, Matthieu Ricard, moine bouddhiste, nous partage ces 4 règles :

1) Se sentir concerné par la souffrance (la sienne ou celle de l’autre)
2) Prendre conscience de cette souffrance
3) Souhaiter que l’autre (ou soi-même) en soit guéri
4) Être prêt à agir en ce sens

La maladie et son rétablissement

À un moment dans votre vie, la souffrance fera son chemin. Personne ne la souhaite. Par contre, la réalité est malheureusement telle. Si vous êtes atteint, ou qu’un proche est atteint d’un TCA, vous souffrez. Que pouvez-vous faire devant ce mal ? Une des clés, qui est aidante dans le rétablissement et très puissante, c’est justement la compassion.

Le rétablissement est une route difficile. Périlleuse parfois. Mais possible. Réaliste. Quand vous prendrez conscience de votre voix critique, faites un time-out. Prenez 5 grandes respirations diaphragmatique et regardez-vous avec bienveillance. Bercez-vous (littéralement si vous le voulez!) et soyez compatissant, chaleureux. Vous ne cherchez pas à souffrir. Mais vous souffrez. Parlez-vous comme vous le feriez à une personne que vous aimez, que vous appréciez, comme à un(e) bon(ne) ami(e), comme à un enfant.

Si le cœur vous en dit, permettez-vous une méditation d’auto-compassion. En voici une de plusieurs que vous trouverez facilement sur internet.

La critique

Sachez reconnaître la voix critique; la partie jugeante, punitive de vous. Elle est le contraire de la compassion. Certaines personnes ont peur de la compassion et lui préfèrent cette voix critique. Elles pensent, à tort, que la compassion les autorise à baisser les bras, à laisser tomber, à « faire exprès » pour refaire les mêmes erreurs. Elles pensent que la critique les motivera plutôt à changer, à guérir. Et pourtant… La critique amène plutôt insécurité et invalidation.

Si vous avez un jardin, vous savez sûrement prendre soin de vos fleurs. Lors d’une journée où le soleil et la chaleur ont été très présents, elles ont besoin de plus d’eau. Dans un sol difficile, elles ont besoin de plus de vitamines. Lors de ces situations, critiquez-vous vos fleurs pour les soins particuliers qu’elles nécessitent ? Non. Vous acceptez les obstacles et vous adaptez vos soins. Le rétablissement est semblable. Parfois difficile, souvent ardu. Offrez-lui les soins nécessaires, quels que soient les obstacles.

Les difficultés et les maladies font partie de la vie. Que ce soit avec l’image du chaton ou du jardin, souvenez-vous : personne ne veut souffrir. Et personne ne souffre intentionnellement. Cultivez la compassion. Envers vous-même, et envers les autres. Et à cet instant, cette compassion deviendra non seulement une clé ouvrant la porte du rétablissement, mais une force qui saura vous y porter.

Marie-Michèle Ricard
Psychoéducatrice, psychothérapeute
Co-fondatrice de la clinique Imavi
Auteure du roman Il y a toujours de l’espoir…