En voyant la semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires arriver à grands pas, je me suis questionnée. Comment pourrais-je contribuer à ma façon pour diminuer les préjugés entourant les troubles de l’alimentation? Je ne peux pas le nier, c’est un sujet tabou. Par peur du jugement ou d’incompréhension, ceux qui en sont touchés osent peu en parler, moi y comprise.
Oui. Moi, Camille, la performante dans tout, celle qui travaille sous pression, celle qui voulait atteindre un idéal, a été prise au piège du trouble alimentaire. Au début, on se croit invincible, mais au final, on devient invisible.
Pour moi, le trouble alimentaire a été une sorte de béquille, dans mon besoin de contrôler l’incontrôlable.
C’était bien plus qu’une question de poids. En fait, j’avais seulement l’impression de ne jamais être enough. Je n’étais pas parfaite, et je m’autocritiquais à la moindre chose. Je me suis tellement impliquée dans plein de projets, pour essayer de trouver ma place.
À un moment donné, mon poids a fait une chute libre. Cette illusion de contrôle a laissé place à des distorsions pas le fun. Mon cerveau n’avait pas assez d’énergie et de sucre pour fonctionner. Je me disais que ce n’était pas bien grave de juste manger une pomme en guise de déjeuner. Mais oui, c’était grave.
Plus on perd du poids, plus on veut en perdre. C’est une maladie, on oublie souvent que c’est un trouble de santé mentale. Ce n’est pas un caprice. Dans mon cas, c’était mon petit secret. J’avais honte de me restreindre de manger. J’avais peur des repas un peu trop copieux, alors que c’est l’essence de notre machine; notre corps.
Maintenant, c’était la question du comment. Comment guérir? Comment ne plus avoir peur des kilos? Comment arrêter de me peser plusieurs fois par semaine? Comment réapprivoiser les 5 groupes alimentaires?
Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, non. Mais tranquillement, j’ai réalisé que la partie malade de moi-même n’est pas celle qui va réaliser ses rêves.
Mes rêves, quels étaient-ils? Donner du sang. À la fois simple, mais tellement symbolique.
Depuis que j’ai 15 ans, je parle à mon entourage de mon rêve de donner du sang: je l’ai même inscrit à ma « bucket list ». Le trouble alimentaire a pris le dessus pendant une période de ma vie. À ce moment-là, je me disais que l’année de mes 18 ans, j’aimerais beaucoup donner du sang.
C’est devenu une motivation, un objectif positif à ma reprise de poids.
Je me suis rappeléw que pour donner du sang, on doit être en santé et peser plus de 50 kilos. De cette façon, j’ai pu entrevoir mon rétablissement. J’ai transformé mes pensées négatives en pensées positives, en me disant que le poids que j’allais prendre serait constructif. Que le jour où je donnerais du sang, ce serait un symbole de guérison, ou du moins, que je serais sur la bonne voie. Ces pensées positives ont donné lieu à des gestes concrets pour mon rétablissement.
J’ai effectué mon premier don de sang le 21 avril 2015. J’étais tellement heureuse! Je conserve ma carte de donneur précieusement. Je devais être l’une des rares personnes à sourire et à jaser tout le long du don! Parce que non seulement mon don a contribué à sauver 4 vies, mais il m’a aussi aidée à sauver la mienne.
Camille Fortin