Cinq croix à faire lorsque le trouble alimentaire s’installe dans l’assiette

Je n’ai jamais vraiment aimé ça les desserts dans le fond… J’aime mieux prendre mon temps pour manger, il paraît que c’est bien de toute façon… Ah! J’ai soupé avant de venir vous rejoindre, c’était plus simple pour moi. Je n’aurais pas dû prendre de collation, c’est sûr que je vais engraisser!

Reconnaissez-vous ces propos? Ces citations, qui peuvent paraître banales lorsque considérées une à une, sont pourtant loin d’être anodines lorsqu’elles sont combinées et qu’elles dominent une vie. Il s’agit de discours fréquents chez les personnes atteintes d’un trouble alimentaire (TA). Dans le cadre de la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires, qui a lieu du 31 janvier au 6 février 2016, je m’attarderai à cinq conséquences que j’observe en lien avec l’alimentation de mes clients qui souffrent de TA. Et, malheureusement, cela se fait souvent de façon insidieuse, c’est-à-dire sans trop qu’ils ne le réalisent… Alors, vaut mieux y porter attention pour les reconnaître!

Le plaisir de manger

Lorsque le TA s’inscruste, la relation avec la nourriture devient automatiquement brouillée. Le plaisir de manger qui devrait être présent à chaque repas, s’efface de plus en plus pour permettre aux règles rigides et à l’analyse du contenu nutritionnel de prendre de l’ampleur. L’alimentation devient alors monotone. Ce n’est pas long que le plaisir de manger laisse place à une panoplie de préoccupations alimentaires incessantes qui suivent la personne même en dehors des repas, croyez-moi!

Les habitudes alimentaires

Toutes les préoccupations en lien avec l’alimentation font en sorte que des rituels alimentaires se créent. Couper la nourriture en petits morceaux, manger très lentement ou continuellement se réconforter avec la nourriture, en sont des exemples. Ainsi, les habitudes alimentaires s’éloignent de plus en plus de la normalité. Ces rituels et ces habitudes paraissent si rassurants et incontournables pour la personne qui souffre, qu’il arrive souvent qu’elle ne réalise pas que quelque chose cloche.

Les croyances alimentaires

Lorsque TA il y a, l’intérêt augmente inévitablement pour le fait de bien manger, les nouvelles tendances alimentaires ou encore, les multiples façons de perdre du poids. La personne atteinte d’un TA devient comme une éponge. Elle absorbe toute sorte d’informations par rapport à l’alimentation et à la gestion du poids, sans réfléchir à la crédibilité des renseignements ou se demander si cela lui est adressé. Si on ne prend qu’un exemple parmi tant d’autres, bien que le Web ait un tas d’avantages, il contient malheureusement des tonnes d’informations non fondées scientifiquement. Résultat : les croyances alimentaires se multiplient, au détriment de la santé de l’individu.

Les repas avec les autres

Vous devinerez que pour suivre les règles alimentaires que le TA impose, les repas en bonne compagnie ne sont plus les bienvenus… Difficile de manger des petites portions sans se faire questionner ou de contrôler ce qui nous sera servi lorsque l’on est reçu chez des amis. S’isoler apparaît alors comme une solution pour éviter la critique des autres. La situation devient comme un cercle vicieux : plus la personne s’isole, plus elle s’enfonce dans le TA.

Estime de soi

Quand la personne a l’impression d’être en contrôle dans son TA, la fierté ainsi que les sentiments de bien-être et de réussite se font ressentir. Toutefois, il y a un moment où toutes ces règles deviennent si exigeantes et envahissantes, qu’il est impossible d’être à la hauteur. Cela est sans parler de toute la gamme d’émotions vécues après une crise de boulimie. C’est alors que la culpabilité et la honte entrent en ligne de compte. Un peu comme un nuage gris qui reste au-dessus de la tête jour après jour. Il ne peut en être autrement puisque ce sont, en réalité, la nourriture et le pèse-personne qui ont le contrôle sur la vie de la personne. L’estime de soi ne peut que se détériorer et en voulant bien faire, la personne tente sans cesse de vouloir reprendre le contrôle, c’est-à-dire performer davantage dans son TA. Voyez-vous ce que je voulais dire par insidieux?

Après ce tour d’horizon sur les croix que le TA impose de faire lorsqu’il s’installe dans l’assiette, il se peut que vous vous demandiez comment aider une personne qui est aux prises avec un TA. Je vous propose de lire le billet de blogue « Stratégies pour la gestion des repas en compagnie d’une personne souffrant de trouble alimentaire » : http://www.anebquebec.com/blogue/2012/09/19/strategies-pour-la-gestion-des-repas-en-compagnie-dune-personne-souffrant-de-trouble-alimentaire/ .

Surtout, je vous invite à rester à l’affût de ce qui se passe en cette semaine toute spéciale. Ne fais pas une croix sur ta vie. En unissant nos forces, nous pouvons déjouer la maladie!

 

Par Catherine Moquin, Dt.P., M.Sc., nutritionniste à la Clinique psychoalimentaire